Samedi de la 32e semaine du Temps Ordinaire
Année paire • de la férie

Première lecture : 3 Jn 5-8
Psaume : Ps 111 (112), 1-2, 3-4, 5-6
Évangile : Lc 18, 1-8

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Homélie

La nécessité de prier toujours sans se décourager ! Je relis le témoignage du Père Pier Luigi Maccali, ce prêtre italien kidnappé au Niger et pris en otage au Mali pendant plus de deux ans. Il a été libéré ce 8 octobre. Dans son homélie du 8 novembre dernier, il raconte comment la prière a été pour lui un soutien fondamental. En même temps, il a vécu, expérimenté, éprouvé douloureusement le « silence de Dieu ». Il a été assailli de doutes, de questions sans réponses, de ce terrible abîme de l’absence sensible de Dieu. Face à ce silence, il a choisi le chemin de la confiance, de la fidélité à sa relation avec le Seigneur et continuait à prier malgré tout.

Aujourd’hui, il rend grâce. Mais quelles ténèbres, quelles incertitudes cet homme, ce prêtre, a portées tout au long de ces années ! Je repense au témoignage poignant de Pierre Piccinin da Prata, ce brillant reporter belge, lui aussi kidnappé, en Syrie. Lui aussi a cherché dans la prière le soutien, le réconfort, pour tenir bon. Lui aussi a éprouvé le « silence de Dieu ». Mais, face à la douleur de ce silence, il a perdu la foi. Comment ne pas le comprendre ? Comment ne pas être proches de nos contemporains qui nous disent, dans le contexte d’angoisse qui est le nôtre, que Dieu est « absent » ?

Jésus nous provoque aujourd’hui de manière très forte. Il y aura des moments dans notre vie où nous ne le « sentirons » plus, où nous douterons, où nous aurons envie de tout lâcher. Notre Seigneur ne nous a jamais promis que la foi serait facile, que la relation avec Lui serait l’équivalent d’avoir un Batman ou un Superman à nos côtés ! Aujourd’hui, Il nous supplie de tenir bon dans la foi, de choisir encore et encore le chemin de la confiance, de l’abandon entre les mains du Père.

Cet Évangile nous parle particulièrement en ce moment où nos repères sont profondément bouleversés par les conditions sanitaires et l’évidence de tout ce qui se passe mal dans notre société et dans l’Église. Notre Seigneur lui-même a ouvert le chemin d’Espérance sur la croix. N’a-t-il pas été confronté, infiniment plus douloureusement que nous encore au « silence » de son Père : « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Pourtant, dans l’ultime élan de son cœur, ses paroles seront : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit. »
De cet acte d’abandon, de ce Oui total, de cet Amour qui se donne jusqu’au bout, naîtront pour nous et pour toujours la plus grande Espérance qui soit : le mal, la mort et la souffrance ne seront pas le dernier mot de notre vie, Jésus est ressuscité, l’Amour a vaincu et nous attend, chacune et chacun, dès aujourd’hui.

Dès aujourd’hui, le Seigneur est avec nous dans nos épreuves, Il intercède pour nous. Pourtant, à certains moments, comme Lui, nous éprouvons le « silence de Dieu » face à nos demandes, face à nos souffrances, face à l’injustice. C’est le moment de la confiance, le moment où, selon la grande spiritualité de l’Église, Dieu nous fait confiance pour que nous soyons fidèles. Cette confiance de Dieu s’accompagne alors d’une grande fécondité.

Pensez à sainte Thérèse de Lisieux et sainte Mère Teresa. Elles aussi ont éprouvé le « silence de Dieu ». La petite Thérèse en a laissé un témoignage poignant auprès des sœurs qui l’accompagnaient dans sa fin de vie douloureusement marquée par la tuberculose. Elle trouva malgré tout la force de déclarer :« Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre. » Mère Teresa, de son côté, a vécu une sécheresse absolue dans la prière pendant plus de trente années. Pourtant, lorsqu’elle priait, des centaines de personnes venaient pour la regarder prier, car ils voyaient alors le rayonnement de la présence du Seigneur autour d’elle. De plus, c’est aussi pendant ces années qu’elle a porté tant de fruit : des milliers de vocations, des dizaines de milliers de malades et de pauvres qui ont été rejoints, des millions de personnes qui, à son témoignage, ont eu l’âme nourrie et bouleversée. Et cela continue aujourd’hui…

À notre tour, n’ayons pas peur de choisir le chemin de la confiance lorsque nous n’en pouvons plus. Offrons cet acte de foi pour les personnes qui souffrent, pour les personnes qui cherchent leur vocation, pour les personnes qui sont affamées de rencontrer Celui qui seul peut combler notre cœur et qui marche avec nous : Jésus, le Seigneur.

Abbé Hadelin de Lovinfosse