Jeudi de la 33e semaine du Temps Ordinaire
Année paire • de la férie
Première lecture : Ap 5, 1-10
Psaume : Ps 149, 1-2, 3-4, 5-6a.9b
Évangile : Lc 19, 41-44
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Homélie
L’Évangile de ce jour est rude, particulièrement si on le lit de manière isolée. Il est précédé de l’entrée triomphale à Jérusalem ; puis, sans transition, nous nous retrouvons devant les lamentations de Jésus sur cette ville : « Ah ! Si toi aussi, tu avais reconnu en ce jour ce qui donne la paix. »
Bien sûr nous pouvons penser que la rédaction de ce passage a été influencée par la destruction de Jérusalem en 70 par les Romains. Mais cette explication ne peut nous suffire, car si Jésus est vraiment Dieu, il est aussi vraiment homme et il n’est donc pas habité de la faculté de prédire les événements futurs.
Jésus constate que Jérusalem n’est plus qu’une citadelle n’ayant souci que de se protéger des ouvrages de siège ; la cité de Dieu n’est plus qu’une superposition de pierres. Jésus verra aussi que le temple s’est réduit à un lieu de commerce, de négociations mercantiles à la Trump, et où les discussions ne sont plus tournées que sur l’exercice de l’autorité. Triste rétrécissement.
Nous pouvons comprendre la profonde tristesse de Jésus en regardant cette ville qui avait tout pour être la partenaire idéale de Dieu dans son alliance. Mais elle n’a pas reconnu le moment où Dieu la visitait. Dieu n’aura finalement d’autre issue que de confier sa vigne à d’autres (Lc 20,16).
C’est étonnamment là une bonne nouvelle car Dieu, au-delà de sa peine, n’abandonne pas, ne renonce pas ; il réoriente.
Il est ainsi possible aujourd’hui de reconnaître ce qui donne la paix, de reconnaître le moment où Dieu nous visite. Quelle belle introduction à l’Évangile de dimanche prochain, jour de la fête du Christ Roi (Mt 25,31-46) !
La paix ne vient pas dans la construction de défense pour que les messes puissent être absolument célébrées, dans un mode de fonctionnement en Église qui fige la situation en un mur de pierres. Ce qui donne la paix, là où nous pouvons reconnaître le moment où Dieu nous visite, c’est dans le partage avec ceux qui ont faim, le souci de désaltérer ceux qui ont soif, l’accueil de l’étranger, la couverture de celui qui est nu, la visite au malade, la compassion avec le prisonnier. Si Dieu réoriente, il nous faut ainsi chaque jour choisir une nouvelle direction pour le reconnaître.
« La fraction du pain eucharistique et de la Parole ne peut se faire sans rompre le pain avec ceux qui n’en ont pas. C’est cela la diaconie. Les pauvres sont théologiquement le visage du Christ. Sans les pauvres, on perd le contact avec la réalité. Ainsi, tout comme un lieu de prière dans la paroisse est nécessaire, la présence de la cuisine pour la soupe, au sens large du terme, est importante. La diaconie ou le service d’évangélisation là où il y a des besoins sociaux est une dimension constitutive de l’être de l’Église, de sa mission. » (« Pandémie, vie de l’Église, quelles leçons ? Cardinal Mario Grech : une interview avec le nouveau secrétaire du synode des évêques » (Interview d’Antonio Spondaro s.j. et de Simone Sereni publiée le 23 octobre2020, La Civilta Cattolica)
Abbé Patrick Denis
Homélie
Dans les quelques versets qui précèdent l’Évangile que la liturgie nous donne aujourd’hui, Jésus est accueilli en triomphe par ses disciples : « ils disaient : « Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! » » (Lc 19,38). Cette phrase évoque aussi celle des anges à la naissance de Jésus en Lc 2,14.
Et aussitôt après ce passage où la joie des disciples s’exprime, l’écriture nous fait entrer dans la tristesse de Jésus. Il pleure sur la ville de Jérusalem en disant : « Ah ! si toi aussi, tu avais reconnu en ce jour ce qui donne la paix ! Mais maintenant cela est resté caché à tes yeux ». Les disciples, juste avant, acclament celui qui donne la paix. Ils ont écouté la voix de Jésus, ils ont entendu ses enseignements. Certains même, ont été profondément libérés, pas simplement de maladie, mais au plus profond de leur être. En ayant rencontré le Fils de l’homme rien n’est plus comme avant, pensons simplement à cette femme qui versa du parfum sur les pieds de Jésus (Lc 7,36-50).
Jésus pleure en voyant Jérusalem, la ville sainte, ville qui va être complètement détruite en 70. Mais ce qui attriste Jésus, lui qui est venu pour nous sauver, c’est l’état des âmes qui habitent cette ville. Comment ne pas entendre en écho ce verset (Lc 11, 42) : « Quel malheur pour vous, pharisiens, parce que vous payez la dîme sur toutes les plantes du jardin, comme la menthe et la rue et vous passez à côté du jugement et de l’amour de Dieu ». Ce qui rend profondément triste Jésus c’est qu’on passe à côté de Dieu qui est amour. La fin de notre passage insiste sur cela : « tu n’as pas reconnu le moment où Dieu te visitait ».
Chaque matin aux laudes, tous ceux qui les prient redisent ces paroles du Cantique de Zacharie (Lc 1,68-79) : 68 Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, qui visite et rachète son peuple. 69 Il a fait surgir la force qui nous sauve dans la maison de David, son serviteur […] 72 amour qu’il montre envers nos pères, mémoire de son alliance sainte… Ces paroles parlent de Dieu qui nous visite en son Fils. Aujourd’hui Jésus nous visite tout particulièrement par sa parole, surtout dans ce temps de confinement où nous sommes privés de l’Eucharistie.
L’actualité nous montre que ce second confinement est vécu plus durement. Il y a même des drames. Parmi ceux-ci, ce mardi une barbière de Liège s’est donné la mort. Les drames sont la solitude, l’abandon, le désœuvrement, certainement aussi des soucis liés à l’argent… Sans juger la manière dont chacun vit comme il peut ce confinement, nous qui sommes croyants, nous pouvons nous rappeler grâce aux trésors de l’écriture que nous ne sommes jamais seuls. Au cœur de notre solitude forcée, nous pouvons découvrir ou redécouvrir la présence de Dieu qui nous aime et qui nous invite à la communion. Il nous visite, sachons humblement le reconnaître pour le montrer à ceux qui ne le connaissent pas encore. C’est ainsi que nous deviendrons des êtres de communion.
Abbé Xavier le Paige