Le Missel romain au service de l’Eglise en prière
La nouvelle traduction en français
(Paris, 3 mars 2021)

 

Traduire n’est jamais facile. Les plus grands spécialistes, comme Paul Ricœur, reconnaissent qu’il n’y a pas de traduction parfaite, mais que mieux vaut une traduction imparfaite que pas de traduction du tout. En effet, la traduction est un « transfert », non seulement de mots, mais de sens, d’une culture à une autre. De plus, les versions anciennes de la Bible et le latin du Missel sont plus complexes qu’il n’apparaît. Enfin, les langues modernes évoluent, ce qui explique les mises à jour nécessaires, voire les nouvelles traductions, comme c’est le cas pour la 3e édition typique du Missel romain, dont l’édition en français est attendue pour la fin de l’année 2021. Les révisions périodiques des livres liturgiques permettent aussi d’adapter le rituel lui-même en tenant compte de l’expérience acquise au fil des années.

La journée du 3 mars, par visioconférence, a rassemblé les responsables liturgiques des diocèses de France et quelques autres, afin de découvrir le travail de la commission chargée de cette nouvelle traduction, d’approfondir le sens de la célébration eucharistique et sa place centrale dans la vie de l’Église. Après la présentation de Bernadette Mélois (SNPLS) et l’introduction de Mgr G. de Kérimel, président de la CEFTEL, quatre exposés ont structuré la journée, entrecoupés par des questions-réponses et des ateliers.

Le P. Henri DELHOUGNE (Clervaux), responsable de la COMIRO (Commission de traduction du Missel romain), a présenté l’Histoire de la traduction et sa méthodologie. Le texte du nouveau missel doit être traduit selon les indications de la 5e Instruction sur la liturgie Liturgiam authenticam (2002), complétée par le Motu proprio du pape François Magnum principium (2017) qui rend leur compétence aux Conférences épiscopales, de sorte que celles-ci « approuvent » les traductions tandis que la Congrégation pour le Culte Divin les « confirme ». La traduction du Missel de Paul VI (1970) était caractérisée par le procédé de l’ « équivalence dynamique » tandis que l’actuelle joue plus sur l’ « équivalence formelle » (Mgr A. Roche). Au cours de ses sessions de travail, la COMIRO a comparé trois états du texte : le texte latin de base, sa traduction littérale et la traduction de 1970. Les membres de la Commission, exégètes, théologiens, pasteurs, linguistes et littéraires se sont efforcés d’arriver à un consensus sur le texte français à proposer. La CEFTEL, en quelque sorte « commanditaire » du travail, a été en rapport suivi avec la COMIRO, la Congrégation du Culte Divin et les Conférences épiscopales de langue française qui ont procédé à un triple vote à différentes étapes. Dans son travail, la COMIRO s’est efforcée de tenir une triple fidélité au texte-source, à la langue française, et à l’intelligibilité du texte.

Le P. Patrick PRÉTOT (Paris), en théologien, s’est interrogé sur l’enjeu de la nouvelle traduction : Le Missel romain, un acte de discernement ecclésial de la tradition eucharistique. Le Missel est une réalité vivante. Jusqu’au XVIe siècle, il a connu bien des évolutions, sur base chaque fois d’un discernement ecclésial. Depuis le XVIe siècle, le Missel imprimé de langue latine est le même pour l’univers catholique de rite latin. Le passage aux langues vivantes après Vatican II est un changement d’importance, car il passe d’une langue unique vers les multiples langues du monde. Dès lors apparaît la question ecclésiologique. Le Missel de langue latine a été le garant de l’unité liturgique et de l’unité des communautés chrétiennes entre elles. Aujourd’hui, le Missel romain présent dans les multiples langues doit relever le défi d’assurer l’unité dans la diversité des langues et des cultures. C’est par le dialogue et la synodalité que se réalise l’acte de discernement ecclésial. Les Conférences épiscopales y sont associées d’une manière toute nouvelle et les longues procédures ont pour but de rendre effective cette synodalité entre les instances concernées. La fidélité à l’action eucharistique postule, comme Paul le soulignait (1 Co 11, 23-26) la communion des Églises locales et l’attitude de réception. Le discernement ecclésial est porté par la tradition et tient compte des contextes ecclésiaux et sociétaux d’aujourd’hui, marqués par la mondialisation et l’uniformisation des modes de vie. Le discernement ecclésial et la réception feront du Missel un instrument d’unité liturgique et ecclésiale.

Le P. THUILLIER a insisté sur la Dimension pascale de l’eucharistie à travers les enrichissements de la nouvelle traduction. En effet, l’eucharistie est au cœur de la Pâque du Christ et du mémorial sacrificiel de l’Église, d’où l’importance de la catégorie de « mystère » au sens de « mystère du salut ». À partir de l’Ordo missae et de la Présentation générale du Missel romain, le conférencier s’est attaché à cinq passages de la nouvelle traduction : le rite pénitentiel, la prière sur les offrandes, l’Orate fratres, l’anamnèse et l’invitation à la communion. Cette réflexion a été facilitée par la première conférence et les travaux en atelier.

Mgr Dominique LEBRUN, archevêque de Rouen, a traité de la nouvelle traduction sous l’angle de la vie spirituelle du peuple chrétien. Cette dimension spirituelle ou existentielle concerne non seulement les ministres de l’eucharistie, mais le peuple chrétien dans sa totalité, c’est-à-dire tous les baptisés. Tous sont associés à la célébration selon leur statut propre et par une participation aussi profonde et existentielle que possible. C’est ensemble que nous recevons la Parole de Dieu proclamée, que nous sommes rassemblés à la table du Seigneur, que nous grandissons dans la communion et que nous sommes envoyés en témoins dans le monde. Dès lors, la qualité de nos eucharisties conditionne le renouveau de la vie chrétienne et la croissance de l’unité dans l’Église et entre les Églises. La réception de la nouvelle traduction du Missel sera source de croissance pour les assemblées. Elle peut nous faire échapper à la routine et renouveler notre regard sur le Christ et l’Église du Christ.

Les Ateliers ont été pour chacun l’occasion de s’essayer à une traduction française des textes du Missel à la fois correcte, adaptée et compréhensible, tant des oraisons que des préfaces et d’autres éléments comme l’embolisme, le « consubstantiel », et l’Orate fratres. Des échos d’autres contextes ecclésiaux (Corée, Inde, Cambodge) ont été proposés aux participants par vidéo. Diverses informations ont été fournies sur les publications récentes en vue de la réception du Missel : Découvrir la nouvelle traduction du Missel romain (AELF, Magnificat, Mame, 2019), les volumes de la collection « Célébrer » qui développent une triple approche liturgique, théologique et mystagogique : « Vie reçue, vie donnée. L’offrande eucharistique » ; « Les célébrations de la Parole » ; « Les bénédictions » ; « En pèlerinage. Le quotidien transfiguré » (Mame, 2018-2020), en attendant le prochain qui aura pour titre « Nouvelle traduction du Missel romain ». Un ouvrage théologique piloté par J.-L. Souletie (Theologicum, Paris) est également en préparation. Enfin, un nouveau site informatique missel-romain.catholique.fr donne des matériaux et des pistes pour la mise en œuvre du Missel et les formations qui seront offertes par les diocèses.

Une nouvelle journée de formation aura lieu le 9 juin, consacrée aux aspects pratiques du Missel comme la cantillation des oraisons et le chant des préfaces. Elle se fera si possible à Paris, en présentiel, ou en distanciel, comme celle du 3 mars.

Abbé André Haquin