À la messe du jour de l’Épiphanie, la nouvelle traduction du Missel romain en langue française indique : « Le jour de l’Épiphanie du Seigneur, après le chant de l’Évangile, le diacre ou un chantre peut proclamer depuis l’ambon, selon un usage ancien de l’Église, les fêtes mobiles de l’année en cours (…) ».
Commençons par découvrir le texte (avec les dates 2024) :
(Vous pouvez écouter les versions chantées au bas de l’article).
Vous le savez, frères (et sœurs) bien-aimés :
à l’invitation de la miséricorde de Dieu,
nous nous sommes réjouis
de la Nativité de notre Seigneur Jésus Christ ;
de même, nous vous annonçons
la joie de la Résurrection de notre Sauveur.
Le Mercredi des Cendres, commencera l’entraînement du Carême le 14 février.
Vous célébrerez dans la joie la sainte Pâque de notre Seigneur Jésus Christ le dimanche 31 mars.
L’Ascension de notre Seigneur Jésus Christ sera fêtée le 9 mai.
La Pentecôte sera fêtée le 19 mai.
La fête du Corps et du Sang du Christ aura lieu le 2 juin.
Le dimanche 1er décembre sera le premier dimanche de l’Avent de notre Seigneur Jésus Christ,
à qui soient l’honneur et la gloire, pour les siècles des siècles. Amen.
Si ce texte apparaît seulement dans la version française de 2021, il ne s’agit nullement d’une nouveauté. La traduction française du Cérémonial des évêques (éd. typique 1984) indiquait déjà : « suivant la coutume locale, après le chant de l’Évangile, un des diacres, un chanoine, un titulaire d’un bénéfice ou quelqu’un d’autre, portant la chape, montera à l’ambon et y proclamera au peuple les fêtes mobiles de l’année en cours ». On retrouve également déjà les « noveritis » dans le Pontifical romain (Pars III. De publicatione festorum mobilium in Epiphania Domini).
Les fêtes qui sont annoncées n’ont pas de date fixe au calendrier. En effet, Pâques est, selon la règle établie au concile de Nicée en 325, « le dimanche qui suit le 14e jour de la Lune qui atteint cet âge le 21 mars ou immédiatement après » (ou, plus simplement, le dimanche qui suit la première pleine lune de printemps). Le Mercredi des Cendres, l’Ascension, la Pentecôte, la fête du Corps et du Sang du Christ dépendent donc de cette date. Quant au 1er dimanche de l’Avent, il est fixé au dimanche le plus proche du 30 novembre.
Le calendrier que nous utilisons actuellement est dit « grégorien ». Il est mis en place au XVIe siècle par Grégoire XIII pour corriger le calendrier julien, instauré par Jules César en 45 a.c.n. Tout comme pour le calcul de la date de Pâques, c’est le concile de Nicée qui semble avoir fixé la proclamation des fêtes mobiles. À cette époque, les astronomes les plus compétents étaient à Alexandrie. Le Patriarche d’Alexandrie se chargeait donc d’envoyer, plusieurs mois à l’avance, au Souverain Pontife la date de Pâques ; Souverain Pontife qui se chargeait de l’envoyer aux métropolites d’Occident (dans les Gaules, en Espagne et jusqu’aux extrémités de l’Occident et du Septentrion).
Pour la petite histoire, un traité d’Adrien Baillet (théologien français du XVIIe siècle) intitulé Contenant l’histoire des fêtes mobiles, les vies des saints de l’Ancien Testament atteste de cela : « Quoi qu’il en soit, l’intention d’agir conformément au désir qu’avait eu le concile de Nicée de faire célébrer la Fête par toutes les églises en un même jour, fit que l’on choisit le jour de l’Épiphanie dans Alexandrie tant pour annoncer la Pâque à ceux du pays, que pour envoyer les lettres circulaires de l’évêque d’Alexandrie qui devaient l’apprendre à toutes les églises. C’était afin que tout le monde sût de bonne heure le jour où l’on devait commencer les jeûnes du Carême, le dimanche de la Pâques & les autres fêtes mobiles qui en dépendent ».
Aujourd’hui, l’Église perpétue cette ancienne tradition. Si l’usage semble pendant un temps avoir été réservé aux cathédrales, le Missel romain qui vient de paraître n’indique pas de restriction (de même que l’éd. typique latine). L’occasion nous est ainsi donnée de souligner, en cette dernière solennité du temps de Noël qu’est l’Épiphanie (manifestation du Seigneur), le lien entre Noël et Pâques puisque la joie de Noël annonce déjà le mystère pascal.
Musicalement, il est également intéressant de noter que la mélodie de l’annonce des fêtes mobiles a été composée de manière à être proche de celle de l’Exultet, l’annonce de Pâques lors de la vigile pascale. Ce récitatif gagnera à être proclamé sans accompagnement à l’orgue.
Noveritis 2024 (partition)Ecouter en français (version 2023) :