« J’ai vu – dit saint Jean dans le passage de l’Apocalypse que nous venons d’accueillir – une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues.  Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. »  À la Toussaint, l’Église met devant nos yeux une vaste fresque, haute en couleurs, celle de la multitude des élus.

Quand un peu plus haut dans le même passage, saint Jean dit que le nombre des marqués de la marque du Dieu vivant, c’est-à-dire le nombre des sauvés, est 144.000, il ne dit pas autre chose.  Dans le langage biblique, 144.000 est un nombre symbolique qui évoque la multitude des saints.

Les saints – nous dit l’Église en la fête de Toussaint –, ce ne sont pas seulement les 300 ou 400 qui sont inscrits dans le calendrier liturgique.  Il y a les saints qui ont leur statue, mais aussi tous les autres, foule innombrable de ceux qui, de manière discrète mais réelle, ont accueilli Jésus et l’Évangile.  Quand donc, à l’occasion de la Toussaint, vous allez vous recueillir devant la tombe de vos chers disparus, pensez à la foule immense des saints.

Mais – me direz-vous peut-être – je ne suis pas sûr que papa, maman, ma femme, mon époux sont au Ciel : ils n’étaient pas mauvais dans le fond, mais ils étaient comme ils étaient.

Ne devons-nous pas craindre pour certains de nos familles ?  Je réponds : non.  Non, nous ne devons pas craindre, mais bien espérer et espérer follement.  Pour deux raisons.

La première, c’est la communion des saints.  Selon ce point tonique de la foi, ceux qui sont au Ciel nous soutiennent dans notre marche terrestre, et nous les vivants, par notre prière, nous pouvons contribuer réellement à l’entrée des morts dans la joie du Ciel.

La deuxième raison d’espérer, c’est la volonté expresse de Dieu, tant de fois affirmée par le Seigneur Jésus, que pas un seul ne se perde.  Dieu – a révélé Jésus – est comme un berger qui inlassablement court à la recherche de la brebis perdue.

En allant vous recueillir au cimetière – nous dit l’Église en la fête de Toussaint –, n’oubliez pas que la foule des élus est innombrable et qu’il y a beaucoup de demeures dans la maison du Père.

Après avoir considéré le passage de l’Apocalypse, je m’arrête un peu sur l’évangile de la fête.

Les Béatitudes en saint Matthieu nous indiquent le chemin du Bonheur avec un grand B, le chemin du vrai bonheur.  Si tu veux être pleinement heureux maintenant et pour toujours, sois doux, bienveillant, compréhensif.  Si tu veux être pleinement heureux maintenant et pour toujours, aie faim et soif de plus de justice dans notre société et dans le monde.  Si tu veux être pleinement heureux maintenant et pour toujours, sois miséricordieux, n’enferme pas ton frère dans son passé mais, comme le Père du ciel, inlassablement, rouvre un avenir à l’autre.  Si tu veux être pleinement heureux maintenant et pour toujours, sois un artisan de paix, fais taire en toi rancunes et rancœurs, et cherche ce qui unit plutôt que ce qui sépare.

Je suis frappé de ce que la Béatitude qui vient en premier est celle de la pauvreté de cœur.  Si tu veux être pleinement heureux maintenant et pour toujours, surtout, nous dit le Seigneur Jésus, sois un pauvre devant Dieu et devant les hommes.  Considère les autres comme supérieurs à toi, sans amertume aucune.  Et quand tu te présentes devant Dieu, que ce soit sans bomber le torse, sans enflure aucune, les mains vides et non les mains pleines, comme un pauvre et non comme un riche.

L’humilité est la reine des vertus.  L’humilité fait toute la différence.  Dans une homélie prononcée à Beauraing, il y a quelque trois ans, Mgr Bruno Feillet, évêque auxiliaire de Reims, a cité ces mots de sainte Myriam : « Je suis allée en enfer et j’ai vu beaucoup de vertus, mais je n’y ai pas vu l’humilité.  Je suis allée au paradis, j’y ai vu beaucoup de péchés, mais je n’y ai pas vu l’orgueil. »  Et Mgr Feillet de conclure : « Ainsi, mes amis, si nous nous tenons parfois au fond de l’église en demandant humblement au Seigneur d’avoir pitié de nous, nous aurons une chance d’entrer au Ciel.  L’humilité est la clé du jardin de Dieu, la clé du paradis. »

L’évangile de cette fête de Toussaint nous invite à être pleinement heureux maintenant et pour toujours.  Il nous invite à être saints.  Or disait sainte Thérèse de Lisieux, « la sainteté, c’est une disposition du cœur qui nous rend humbles et petits entre les bras de Dieu, conscients de notre faiblesse, et confiants jusqu’à l’audace en sa bonté de Père » (cf. Novissima Verba).

+ Pierre Warin
Cathédrale Saint-Aubain,
Toussaint 2020.