Saint Martin de Tours, évêque, mémoire

Première lecture : Is 61, 1-3a
Psaume : Ps 88 (89), 2-3, 4-5, 21-22, 25.27
Évangile : Mt 25, 31-40

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Homélie

Chaque année à la même date, on rappelle la fête de saint Martin et l’armistice de 1918. Cette première guerre mondiale qui a tellement meurtri le pays que Martin avait évangélisé, et cet apôtre qui portait un nom de guerre, Mars, qui était soldat, fils de soldat, mais aussi moine et évêque.

Martin est le premier grand saint de notre Église sans être martyr. Il a posé les bases de la façon de vivre le message du Christ chez nous, avec ce qui fait les caractéristiques des gens d’ici : un subtil mélange entre charité, spiritualité et pastorale.

La charité : Martin est encore catéchumène et soldat quand il coupe en deux son grand manteau pour couvrir un pauvre gisant aux portes d’Amiens. C’est un geste important pour comprendre ce don. Pourquoi n’a-t-il pas donné tout son manteau ? Pour deux raisons. La première c’est que lui-même serait alors mort de froid. La seconde, c’est que ce manteau ne lui appartenait pas entièrement, mais était pour moitié propriété de l’armée romaine. En coupant en deux ce manteau, il fait un don respectueux et intelligent : il donne la moitié du vêtement qui lui appartient ; il conserve l’autre qui appartient à l’État romain et dont il ne peut faire ce qu’il veut. De cette façon, Martin réchauffe un pauvre, souffre un peu froid et respecte la loi. Son geste de charité, c’est lui qui le porte, pas sa communauté militaire ! C’est le premier enseignement qu’il nous donne pour comprendre qu’elles sont les marges de notre charité : elle nous engage personnellement et nous responsabilise.

Sa pastorale a consisté à enseigner le Christ dans les campagnes, auprès de gens, en étant en contact avec eux. Son évangélisation s’est faite de manière douce en respectant les aspirations spirituelles des paysans. Certes, on raconte qu’il a abattu des arbres sacrés et des divinités païennes, mais le plus souvent il se contentait de christianiser le culte qui était là, non pas parce qu’il était culte de tel ou tel dieu, mais parce qu’il rassemblait les personnes dans un élan spirituel. Aujourd’hui, Martin s’intéresserait aux mouvements spirituels, hors ou dans l’Église, pour comprendre ce que les gens y cherchent et les tourner vers le Christ.

Sa soif spirituelle l’a enfin poussé à fonder le premier monastère en Gaule : celui de Marmoutier. Il créait ainsi la vie religieuse avec toutes les ramifications qu’on lui connaît aujourd’hui.

Ce sont là trois éléments essentiels de notre christianisme occidental : vie religieuse, œuvres caritatives, travail pastoral.

Ce jour où on fête cet ancien soldat rappelle aussi la fin de la Première Guerre mondiale. Ce matin, aux laudes à Maredsous, le refrain de l’hymne disait : « heureux le serviteur qui veillait dans la nuit ». Peut-on appliquer cette béatitude à ces jeunes soldats qui veillaient toutes les nuits dans des tranchées, les pieds dans l’eau et la peur au ventre ? Ils sont pourtant des centaines de milliers à avoir payé de leur vie cette veille et dans des conditions effroyables. Si bonheur il y a, c’est d’avoir permis à d’autres de garder la vie et de gagner la paix. Toutes les familles ont payé un tribut à cette guerre, et parfois aussi à la suivante. Soyons reconnaissants pour ce qu’ils ont enduré, et si aujourd’hui dans cette partie du monde nous vivons en paix, c’est en grande partie grâce à eux.

Cette année d’autres personnes sont sur le front : celles et ceux qui luttent contre le Covid 19, en particulier le monde médical. Portons-les dans notre prière ainsi que toutes les victimes de cette maladie.

Père Bernard Lorent,
Abbé de Maredsous