Mercredi de la 33e semaine du Temps Ordinaire
Année paire • de la férie

Première lecture : Ap 4, 1-11
Psaume : Ps 150, 1-2, 3-4, 5-6
Évangile : Lc 19, 11-28

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Commentaire
issu de Lueurs et tremblements, Namur, Fidélité, 2015, p. 25-27

Un lien explicite existe, par le rappel de la dernière phrase dite à l’Église de Laodicée : « Voici que je me tiens à la porte et que je frappe » (3,20). La porte est frontière et seuil de la rencontre avec le Christ : un accès devient possible à un autre monde, nouveau et différent. Invité à monter vers cette porte ouverte dans le ciel, le croyant est convié lui aussi à se faire proche de ce que Dieu veut montrer.
L’invitation est formulée en deux temps : monter, puis voir. Il faut l’effort de la montée, du déplacement personnel vers autre chose, pour pouvoir entendre réellement la signification des images de l’Apocalypse.
Cette montée n’éloigne pas des réalités terrestres, mais les surplombe et les voit avec le regard même de Dieu. Le mot est bien choisi : ce n’est pas le lecteur qui va « voir » la vision, c’est le Christ qui va la lui « montrer ».

On retrouve Jean « en esprit » (v. 2), comme en 1,10 : la même vision se prolonge et se développe. La thématique du « trône » apparaît ici et se déploie dans l’ensemble des deux chapitres avant de disparaître du livre. Le trône, c’est la présence de Dieu en son lieu d’origine (cf. Is 6,1 ;66,1 ; Ps 11,4). La posture est statique et en même temps dynamique, car de ce lieu se diffuse son pouvoir. Le trône conduit à quelqu’un : le mot « Dieu » n’apparaît pas, l’auteur préfère en dire qu’il y a quelqu’un « assis ». Son identité est seconde : pour parler de Dieu, il vaut mieux ne pas trop préciser encore. Il est préférable que le lecteur découvre progressivement qui est vraiment celui qui règne dans l’histoire.

La comparaison des pierres précieuses (v. 3), empruntée au texte d’Ex 28,17-21, concentre, par les noms de la première et de la douzième pierres, toute la sainteté du Dieu qui règne sur Israël. L’arc-en-ciel (c’est le terme grec iris) évoque une irisation lumineuse, une manifestation de la gloire divine, comme dans les théophanies du Sinaï.

Tout est situé par rapport au trône (v. 4), qui est comme démultiplié, en 24 autres trônes. Le nombre 24 peut évoquer les 24 divinités du panthéon babylonien, mais plus surement l’histoire sainte en ses deux phases : les douze tribus d’Israël (cf. chapitre 7) et les douze apôtres de l’Église (cf. chapitre 21), les seconds accomplissant les promesses faites aux premières. C’est le monde ancien et le monde nouveau, de part et d’autre de l’événement de Jésus-Christ. Il y a aussi 24 vieillards : le mot grec presbuteroi signifie « vieillards » (ou anciens), mais aussi prêtres. La traduction « vieillards » est préférable : elle indique une humanité âgée, ayant vécu, arrivée au terme de sa vie ; ces vieillards sont symboliques de l’humanité qui a traversé le temps de l’histoire et les épreuves de sa vie de foi. Dans la Bible, un presbuteros est toujours un être humain et jamais une créature céleste. Il y a donc place, dans la proximité de Dieu, pour des hommes appelés à partager ce que Dieu vit lui-même : assis sur des trônes, munis de couronnes, ils « règnent ».

La mise en scène audiovisuelle de la théophanie (v. 5) est spectaculaire, comme en d’autres moments principaux de la révélation (cf. 8,5 ; 11,19 ; 16,18-21). Les « Vivants » apparus aux v. 6-7 renvoient à la prophétie d’Ézéchiel (cf. Ez 1,4-2,2) où le « char de Dieu » est le symbole d’une mobilité spirituelle : Dieu n’est pas attaché au Temple détruit, il peut suivre les exilés et les rejoindre à Babylone. Ce ne sont pas des sculptures, , mais des êtres « vivants » : le mot grec zôon indique la réalité terrestre animée. Le mot est connu : en 1,18, le Christ est « le » vivant. Les Vivants partagent donc quelque chose de sa vie. Le symbolisme thériomorphe peut aider à préciser cette vie. (…) Le chant du trisagion (v. 8), tiré d’Is 6,3, est la première parole humaine exprimée dans le livre de l’Apocalypse, seule parole autre que celle du narrateur et du Christ : « Saint, Saint, Saint… ». Il est devenu le trésor commun des liturgies juive et chrétienne.

Chanoine Joël Rochette