Christ Roi de l’univers
Solennité • Année A

Première lecture : Ez 34, 11-12.15-17
Psaume : Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6
Deuxième lecture : 1 Co 15, 20-26.28
Évangile : Mt 25, 31-46

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Homélie

Après les paraboles des dix jeunes filles et des talents, Jésus conclut son discours par une quasi-parabole, dont l’image est inspirée par la métaphore du prophète Ézéchiel : en effet, le berger qui trie son troupeau est aussi un « roi ». Ce texte est souvent choisi pour la célébration des funérailles. Cette bonne nouvelle affirme que l’essentiel aux yeux de Dieu, n’est ni la piété, ni les sacrements, ni la foi mais l’amour fraternel. Le défunt est jugé sur des gestes et non sur une croyance.

Cette quasi-parabole poursuit, me semble-t-il, un objectif plus profond encore. En effet, 50 ans après la mort de Jésus, Matthieu écrit à des communautés qui se désintéressent des réalités concrètes de la vie sociale parce qu’elles attendent le retour imminent du Christ. Elles sont interpellées concernant ce glissement s’opérant chez elles. Ne nous arrive-t-il pas aujourd’hui encore de croiser une telle spiritualité désincarnée ?

Cette quasi-parabole nous propose trois déplacements d’envergure :

• Premier déplacement : dans le temps

C’est déjà maintenant que tout se joue et pas seulement dans un avenir plus ou moins lointain.

Pour se faire comprendre, Jésus plante le décor. Il reprend une mise en scène qui avait cours à son époque, l’image d’un tribunal royal. Jésus se transporte à la fin des temps, pour mieux faire saisir l’importance du présent. C’est une manière subtile de crier : Le Grand Soir, c’est ce soir, c’est chaque soir. La fin du monde, – oh pardon – la fin d’un certain monde, le retour du Fils de l’Homme, c’est déjà maintenant. L’éternité est commencée.

• Deuxième déplacement : dans le lieu

La rencontre définitive avec « le Roi », autrement dit avec Dieu ne commencera pas au ciel avec ses anges mais déjà en tous lieux sur terre. Autrement dit à ces endroits où des personnes ont perdu leur travail à la suite des 2 confinements. Mais aussi ces mers sur lesquelles naviguent des embarcations pneumatiques remplies de migrants, les hôpitaux dans lesquels les acteurs de la santé ont un rythme de travail infernal, la guerre en Arménie, les ouragans en Amérique Centrale…

Jésus nous le dit avec force : Dieu n’est pas enfermé derrière les portes de bronze d’un quelconque tribunal d’éternité. Il est ici dans notre monde.
Son ciel, c’est la terre habitée par l’humanité.

• Troisième déplacement : dans l’espace

Il m’arrive de rencontrer des personnes qui voudraient m’enfermer dans une piété basée sur des émotions et des problèmes personnels alors que l’espace primordial de notre foi c’est notre rapport au prochain.

Célébrer le Christ Roi, c’est s’émouvoir bien sûr mais ensuite s’alarmer avec Lui à cause de ceux qui ont faim et soif chaque jour, à cause de la montée du racisme, du sort réservé aux malades notamment dans les maisons de repos, du manque de logements sociaux, du malaise dans les prisons par suite du double confinement. Ce malaise dans les prisons sera exprimé pendant cette quinzaine en Belgique grâce à la plateforme « Journées Nationales des Prisons »…

Pratiquement, affirmer que Dieu libère et sauve n’a de sens que si effectivement nous posons nous-mêmes des actes de libération y compris en nous unissant aussi à des non croyants notamment via des organisations humanitaires et des ONG de développement. Cet amour du prochain est le seul chemin vers Dieu. Se faire proche des personnes énumérées dans l’évangile, c’est le rejoindre Lui. Et c’est là une autre réalité que le jugement révèle : les priorités de Dieu lui-même. Après tout, c’est bien cela que Jésus a fait aussi.

Le Christ n’est Roi que parce que nous le reconnaissons dans les plus petits : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères c’est à moi que vous l’avez fait » se plaît à répéter la quasi-parabole d’aujourd’hui.

Quelle surprise que cet évangile qui nous propose trois déplacements d’envergure !
1) déplacement dans le temps : Le Grand Soir, c’est ce soir et tous les soirs. C’est maintenant que tout se joue. L’éternité est commencée
2) déplacement dans le lieu : Le ciel de Dieu c’est la terre habitée par l’humanité.
3) déplacement dans l’espace : L’espace primordial de notre foi c’est notre rapport au plus petit. En effet, le Christ, Roi de l’Univers n’a d’autre visage que celui de l’homme qui souffre.

Notre Dieu nous appelle à faire jaillir le meilleur de nous-mêmes : l’amour pour les autres. Ils sont proches de nous. C’est pourquoi ils sont appelés « prochains. »

Abbé Fernand Stréber