Vendredi, 1re semaine de l’Avent
de la férie

Première lecture : Is 29, 17-24
Psaume : 26 (27), 1, 4abcd, 13-14
Évangile : Mt 9, 27-31

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Homélie de la messe de 9h00

Encore un peu de temps – annonce le prophète Isaïe dans la première lecture –, et le Liban se changera en verger, en espace vert avec plein d’arbres porteurs de fruits : le verger sera pareil à une forêt !

Encore un peu de temps, très peu de temps – annonce le prophète Isaïe –, et les malentendants entendront, les malvoyants verront, les humiliés se réjouiront et les pauvres gens exulteront.

Dans l’évangile, deux malvoyants retrouvent la vue, deux aveugles voient.  Le verbe n’est plus, comme chez Isaïe, au futur mais bien au présent.

Avec Jésus, l’ère du salut est inaugurée.  Avec Jésus, la Royauté de salut de Dieu commence effectivement.  Avec Jésus, le Règne de Dieu s’est approché, presse à ce point le présent qu’il l’envahit déjà.

Les quatre évangiles font partir la mission de Jésus de son baptême.  Il n’est pas interdit de penser qu’après la théophanie du Baptême, qu’après qu’il ait vu les cieux se déchirer et l’Esprit venir sur lui, l’aspect de Jésus n’était plus tout à fait le même, que son visage rayonnait, que sa poitrine était gonflée à éclater parce que, au plus intime de lui-même, il venait de faire l’expérience débordante de l’aujourd’hui du Règne.  En lui Dieu s’était approché de l’homme d’une manière absolument nouvelle.

Après avoir éprouvé le besoin de se retrouver seul, un certain temps au désert, il tarde à Jésus d’aller vers les hommes.  Et voici que sa voix s’élève prenant spontanément les accents d’un chant.  Ce sont les Béatitudes que Matthieu et Luc s’accordent à placer au début du ministère de Jésus.  « Heureux les pauvres…heureux les affligés…heureux ceux qui ont faim. »  Heureux les pauvres de toute sorte.  Heureux les pécheurs et aussi ceux qui ont des bleus au corps et au cœur.  Heureux sont-ils parce que l’heure de la plénitude du salut a sonné, et que dès maintenant Dieu, à l’œuvre, sauve l’homme tout entier.

Amis, assurément le mal afflige encore l’homme.  Assurément le dard de la mort pique encore.  Assurément l’hiver sévit encore.  Assurément il fait encore nuit dans notre monde.  Ces jours-ci, nous n’avons presque plus de jour.  Mais alors que les jours sont les plus courts, alors que la ténèbre est le plus ténèbre, en Jésus Dieu rejoint l’homme dans sa nuit, et quand Il entre dans la nuit des hommes, la nuit épaisse devient une douce nuit.

+ Pierre Warin
Évêque de Namur


Homélie (La guérison de deux aveugles)

Voici un passage évangélique qui échappe régulièrement à nos radars sans doute parce qu’il est perdu au milieu d’autres miracles plus impressionnants : le paralytique, l’hémorroïsse, la fille du chef de la synagogue ; et d’autres événements comme l’appel de Matthieu.

Si on prend la peine de faire une lectio divina sur ces quelques lignes, les traits du Christ se découvrent sous un jour intéressant.

D’abord, les deux aveugles qui ne voient rien, et donc ont développé d’autres perceptions, interpellent Jésus « Fils de David ». Ce n’est pas courant et cela nous change des « Seigneur », « fils de Dieu », « Maître » qu’on trouve dans les chapitres 8 et 9. Être appelé « Fils de David » par les deux aveugles a dû émouvoir Jésus et l’a fait réfléchir. En effet, être fils de David, c’est descendre d’un homme que Dieu a aimé, que Dieu a choisi alors qu’il était le plus jeune de sa fratrie. Être fils de David, c’est descendre d’un homme qui a aimé Dieu au point de danser devant lui, d’écrire les plus beaux psaumes et donc d’offrir à Dieu de ce qu’il y a de plus profond dans l’âme humaine. Enfin, être fils David, c’est descendre d’un homme qui a aimé Dieu au point de savoir qu’après avoir fait le mal, on peut se convertir et accueillir le pardon.

Être appelé « fils de David », c’est un héritage qui peut sembler lourd, mais qui est surtout exaltant, car avec David, on touche à une humanité très vraie tant dans le bien, le mal et surtout la conversion.

Arrivé chez lui, Jésus laisse entrer les deux aveugles. Ces derniers n’ont pas le temps de demander quoi que ce soit. C’est Jésus qui leur pose une question : « Croyez-vous que je puis faire cela ? » On peut entendre cette question de deux manières. La première est dubitative et alors on dirait que Jésus se la pose plus à lui-même qu’aux deux aveugles : « Pensez-vous que je suis capable de faire cela ? » Jésus douterait-il de son pouvoir ? C’est possible, mais il sort d’une série de miracles, dont un fait à son insu, celui de la femme qui perdait du sang. La seconde manière de comprendre cette question s’inspire peut-être de cette femme si croyante : « Avez-vous assez de foi pour que je puisse faire cela ? » Je penche pour cette deuxième interprétation où Jésus fait appel à la foi des deux hommes. D’ailleurs, dans leur réponse ils l’appellent « Seigneur ». Quand ils avaient crié « fils de David », ils faisaient appel à son humanité, à son cœur. Quand ils disent « oui Seigneur », et sans doute à voix basse, ils font appel à sa nature divine. Et Jésus répond en touchant leurs yeux « selon votre foi, qu’il vous soit fait ».

Ce bref passage de l’évangile nous lève un peu le voile sur la personne de Jésus. D’une part, il est vraiment humain et c’est ce qui le rend sensible à la misère, à la faiblesse, aux cris des gens. Dans notre prière, n’hésitons pas à l’appeler « fils de David », surtout en ce temps de l’avent où la liturgie nous invite à méditer sur l’irruption de Dieu dans notre humanité.

D’autre part, Jésus est vraiment divin. Mais cet aspect de sa personne, ce n’est pas lui qui le découvre spontanément, c’est la foi des gens qui le lui révèle au fur et à mesure des pages de l’évangile et des rencontres que Jésus fait avec ses semblables, avec nous aujourd’hui. Le monde de la divinité étant infini, notre foi a de quoi demander à Dieu par Jésus.

Enfin, ce bref évangile nous invite à la désobéissance ! On ne peut pas garder pour soi l’objet de la grâce qui nous est fait. Si nous avons la foi, Jésus nous guérit de nos aveuglements, en particulier devant la nouveauté. La crise Covid nous force à envisager d’être chrétien autrement qu’hier, tant pour les laïcs que pour les prêtres, surtout pour les prêtres.

+ Père Bernard Lorent,
Abbé de Maredsous