Solennité de l’Immaculée Conception

Première lecture : Gn 3, 9-15.20
Psaume : Ps 97 (98), 1, 2-3ab, 3cd-4
Deuxième lecture : Ep 1, 3-6.11-12
Évangile : Lc 1, 26-38

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Homélie

Le dogme de l’Immaculée Conception fut proclamé le 8 décembre 1854 par le pape Pie IX qui déclara : « au premier instant de sa conception par une grâce et une faveur singulière du Dieu tout-puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, Marie fut préservée intacte de toute souillure du péché originel. »

Que signifie cette fête célébrée aujourd’hui ?

Avant la chute originelle d’Adam et Ève, nos premiers parents avaient, par pur don de la grâce divine, reçu quatre dons appelés « préternaturels » (c-à-d entre l’ordre surnaturel et l’ordre de la nature) :
1. l’impassibilité : Adam et Ève ignoraient la souffrance
2. l’immortalité : la mort était un passage sans souffrance dans l’éternité de Dieu
3. la connaissance : Adam et Ève avaient reçu directement la science qu’il nous faut aujourd’hui patiemment acquérir par notre éducation
4. et surtout l’intégrité : Adam et Ève jouissaient de la bonne ordonnance de leurs facultés, de leurs désirs à leur volonté et à leur intelligence. Ce don était le plus beau : ils étaient accordés à la volonté divine comme le sont nos instruments de musique.
Ce dernier don ne les privait pas de la liberté (de faire le bien ou de faire le mal). Dieu avait mis une limite à cette liberté : ils ne pouvaient déterminer eux-mêmes ce qui était bien et ce qui était mal car cela relève de Dieu et de Dieu seul. Ils ne résistèrent pas à la tentation de « goûter de l’arbre de la connaissance du bien et du mal » dans le Paradis terrestre. En désobéissant à Dieu, ils perdirent le don de la grâce sanctifiante et notamment ces quatre dons préternaturels.
Le péché originel n’est pas une notion purement chronologique appliquée à nos premiers parents. Il nous concerne tous : nous sommes constamment l’objet d’un combat spirituel pour faire la volonté de Dieu plutôt que la nôtre. Nous sommes constamment remis devant le dilemme d’Adam et Ève au pied de l’arbre du la connaissance du bien et du mal : « Je fais ce que je veux ? ou bien ce que Dieu me demande ? ».
La mort de Jésus sur la Croix nous a réintroduit dans l’ordre de la grâce en opérant une reconstruction de notre intégrité voulue initialement par Dieu : la mort n’est plus la fin inéluctable et vide de sens ; la souffrance peut être atténuée ; notre connaissance se construit patiemment avec l’aide de l’Esprit-Saint ; et surtout par nos efforts incessants, nous éliminons « le vieil homme qui est en nous » pour écarter le péché qui nous apparaît si séduisant, et faire le bien qui plaît à Dieu.

Marie déclarée Immaculée Conception, c’est la première créature humaine réintégrée dans sa dignité originelle – par pure grâce de Dieu -. Marie bénéficie, si l’on ose dire, des bienfaits acquis plus tard, sur la Croix, par son Fils Jésus. C’est en ce sens que Marie est déclarée « la nouvelle Ève » . Comme la première Ève, elle bénéficia des grâces de Dieu par une adéquation entre ses désirs et sa volonté de servir Dieu en toute chose. « Je suis la Servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon ta Parole » dit-elle. Elle n’a pas cherché à savoir comment et pourquoi l’ange de l’Annonciation lui promettait un devenir si étonnant (à la différence de son cousin Zacharie) : elle a d’emblée affirmé sa foi qui n’est pas sans rappeler celle de St Jean arrivé le premier au tombeau vide : « Il vit et il crut ». À la différence de la première Ève, Marie a fait bon usage de sa volonté : elle n’a en rien déplu à Dieu ! Voilà pourquoi elle fut réintégrée aussi dans le second des dons préternaturels : l’immortalité proclamée dans le dogme de l’Assomption en 1950. Marie a quitté cette terre, corps et âme, pour siéger aux côtés de son Fils en gloire. Elle n’a pas connu la dégradation physique du tombeau. Ainsi le destin de Marie est unique : du début (dès sa conception) à la fin de sa vie terrestre (quand elle rendit son dernier souffle) Marie fut LA créature comblée de Dieu. C’est à juste titre que nous la prions ainsi : Je te salue Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi .

Cette affirmation de la conception immaculée de Marie est apparue très tôt, bien que de manière diffuse, dans la foi des chrétiens. Des grands saints ont eu cette intuition que Marie avait une place unique dans le destin de l’Humanité. Le 1er mai 1836 – 18 ans avant la proclamation du dogme ! -, Jean-Marie VIANNEY, Saint Curé d’Ars, – qui déclarait : « Marie est ma plus vieille affection » – consacra sa paroisse à Marie : le nom de ses paroissiens fut placé dans un cœur suspendu au cou de la statue de la Vierge Marie encore visible aujourd’hui dans la petite église d’Ars.
Et le 8 décembre 1854, il fêta dignement et solennellement la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception.
Un autre clin d’oeil du Bon Dieu : le 25 mars 1858, jour de l’Annonciation, Bernadette Soubirous se rend à la grotte de Massabielle. L’abbé Peyramalle, qui avait été nommé curé de Lourdes le 8 décembre 1854 (!), avait demandé à Bernadette qu’elle sollicite la Mystérieuse Dame pour qu’elle lui dise son nom. Et la Dame lui dit, en patois lourdais : QUE SOY ERA IMMACULADA COUNCEPTIOU. En français : « JE SUIS L’IMMACULÉE CONCEPTION », des mots que Bernadette ne comprenait pas : pour ne point les oublier, elle les répéta sans cesse avant de faire irruption chez l’abbé Peyramalle qui n’en crut pas ses oreilles !

Si cette fête est dignement fêtée à Lyon dans la Fête des Lumières, elle est aussi un formidable cri d’espérance de toute l’Humanité définitivement réintégrée dans la grâce sanctifiante. La mort et le mal n’ont plus le dernier mot, même si le Prince des Ténèbres est encore à l’œuvre dans ce monde. Faisons en sorte que toute notre vie soit accordée au Coeur de Dieu, afin que nos désirs, nos aspirations et nos actes lui plaisent et que nos vies et nos personnes soit une offrande agréable à Dieu.
« Sainte Marie, conçue sans péché, priez pour nous ». Amen.

Chanoine Jean-Marie Huet

Homélie du pape Benoît XVI

Aujourd’hui, nous vous proposons non pas une homélie d’un de nos prêtres ou de nos diacres, mais une homélie du Pape Benoît XVI à l’occasion du 40e anniversaire de la clôture de Vatican II.
En voici le texte :

Chers frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers frères et soeurs,

Il y a quarante ans, le 8 décembre 1965, sur l’esplanade de la Basilique Saint-Pierre, le Pape Paul VI concluait solennellement le Concile Vatican II. Il avait été inauguré, selon la volonté de Jean XXIII, le 11 octobre 1962, qui était alors la fête de la Maternité de Marie, et il fut conclu le jour de l’Immaculée. Un cadre marial entoure le Concile. En réalité, il s’agit de beaucoup plus qu’un cadre: c’est une orientation de tout son chemin. Il nous renvoie, comme il renvoyait alors les Pères du Concile, à l’image de la Vierge à l’écoute, qui vit dans la Parole de Dieu, qui conserve dans son coeur les paroles qui viennent de Dieu et, les rassemblant comme dans une mosaïque, apprend à les comprendre (cf. Lc 2, 19.51); il nous renvoie à la grande Croyante qui, pleine de confiance, se remet entre les mains de Dieu, s’abandonnant à sa volonté; il nous renvoie à l’humble Mère qui, lorsque la mission de son Fils l’exige, s’efface et, dans le même temps, à la femme courageuse qui, alors que les disciples s’enfuient, demeure au pied de la croix. Paul VI, dans son discours à l’occasion de la promulgation de la Constitution, conciliaire sur l’Eglise, avait qualifié Marie de « tutrix huius Concilii » – « protectrice de ce Concile » (cf. Oecumenicum Concilium Vaticanum II, Constitutiones Decreta Declarationes, Cité du Vatican 1966, p. 983) et, à travers une allusion au récit de la Pentecôte rapporté par Luc (Ac 1, 12-14), il avait dit que les Pères s’étaient réunis dans la salle du Concile « cum Maria, Matre Iesu » et que, également en son nom, ils en seraient à présent sortis (p. 985).

Dans ma mémoire demeure inscrit de manière indélébile le moment où, en entendant ses paroles: « Mariam Sanctissimam declaramus Matrem Ecclesiae » – « Nous déclarons la Très Sainte Vierge Marie Mère de l’Eglise », les Pères se levèrent spontanément de leurs chaises et applaudirent debout, rendant hommage à la Mère de Dieu, à notre Mère, à la Mère de l’Eglise. De fait, à travers ce titre, le Pape résumait la doctrine mariale du Concile et donnait la clef pour sa compréhension. Marie n’a pas seulement un rapport singulier avec le Christ, le Fils de Dieu qui, comme homme, a voulu devenir son fils. Etant totalement unie au Christ, elle nous appartient également totalement. Oui, nous pouvons dire que Marie est proche de nous comme aucun autre être humain, car le Christ est homme pour les hommes et tout son être est une « présence pour nous ». Le Christ, disent les Pères, en tant que Tête, est inséparable de son Corps qui est l’Eglise, formant avec celle-ci, pour ainsi dire, un unique sujet vivant. La Mère du Chef est également la Mère de toute l’Eglise; elle est, pour ainsi dire, totalement expropriée d’elle-même; elle s’est entièrement donnée au Christ et, avec Lui, elle nous est donnée en don à tous. En effet, plus la personne humaine se donne, plus elle se trouve elle-même.

Le Concile entendait nous dire cela: Marie est tellement liée au grand mystère de l’Eglise qu’elle et l’Eglise sont inséparables, tout comme sont inséparables le Christ et elle. Marie reflète l’Eglise, elle l’anticipe dans sa personne, et, dans tous les épisodes douloureux qui frappent l’Eglise qui souffre et qui oeuvre, elle reste toujours l’étoile du salut. C’est elle qui est son centre véritable en qui nous avons confiance, même si bien souvent, ce qui est autour pèse sur notre âme. Le Pape Paul VI, dans le contexte de la promulgation de la Constitution sur l’Eglise, a mis tout cela en lumière à travers un nouveau titre profondément enraciné dans la Tradition, précisément dans l’intention d’illuminer la structure intérieure de l’enseignement sur l’Eglise développé au cours du Concile. Le Concile Vatican II devait s’exprimer sur les composantes institutionnelles de l’Eglise: sur les Evêques et sur le Pontife, sur les prêtres, les laïcs et les religieux dans leur communion et dans leurs relations; il devait décrire l’Eglise en chemin, « qui enferme des pécheurs dans son propre sein, et est donc à la fois sainte et appelée à se purifier… » (Lumen gentium, n. 8). Mais cet aspect « pétrinien » de l’Eglise est inclu dans l’aspect « marial ». En Marie, l’Immaculée, nous rencontrons l’essence de l’Eglise d’une manière qui n’est pas déformée. Nous devons apprendre d’elle à devenir nous-mêmes des « âmes ecclésiales », comme s’exprimaient les Pères, pour pouvoir nous aussi, selon la parole de saint Paul, nous présenter « immaculés » devant le Seigneur, tels qu’Il nous a voulus dès le commencement (Col 1, 321; Ep 1, 4).

Mais à présent nous devons nous demander: Qu’est-ce que signifie « Marie l’Immaculée »? Ce titre a-t-il quelque chose à nous dire? La liturgie d’aujourd’hui éclaire pour nous le contenu de cette parole à travers deux grandes images. Il y a tout d’abord le récit merveilleux de l’annonce à Marie, la Vierge de Nazareth, de la venue du Messie. Le salut de l’Ange est tissé de fils de l’Ancien Testament, en particulier du prophète Sophonie. Celui-ci fait voir que Marie, l’humble femme de province qui est issue d’une lignée sacerdotale et qui porte en elle le grand patrimoine sacerdotal d’Israël, est « le saint reste » d’Israël auquel les prophètes, au cours de toutes les périodes de douleurs et de ténèbres, ont fait référence. En elle est présente la véritable Sion, celle qui est pure, la demeure vivante de Dieu. En elle demeure le Seigneur, en elle il trouve le lieu de Son repos. Elle est la maison vivante de Dieu, qui n’habite pas dans des édifices de pierre, mais dans le coeur de l’homme vivant. Elle est le germe qui, dans la sombre nuit d’hiver de l’histoire, jaillit du tronc abattu de David. En elle s’accomplit la parole du Psaume: « La terre a donné son fruit » (67, 7). Elle est le surgeon, duquel dérive l’arbre de la rédemption et des rachetés. Dieu n’a pas essuyé un échec, comme il pouvait sembler au début de l’histoire avec Adam et Eve, ou bien au cours de l’exil à Babylone, et comme il semblait à nouveau à l’époque de Marie, quand Israël était devenu un peuple sans importance dans une région occupée, avec bien peu de signes reconnaissables de sa sainteté. Dieu n’a pas failli. Dans l’humilité de la maison de Nazareth vit l’Israël saint, le reste pur. Dieu a sauvé et sauve son peuple. Du tronc abattu ressurgit à nouveau son histoire, devenant une nouvelle force vive qui oriente et envahit le monde. Marie est l’Israël saint; elle dit « oui » au Seigneur, se met pleinement à sa disposition et devient ainsi le temple vivant de Dieu.

La deuxième image est beaucoup plus difficile et obscure. Cette métaphore, tirée du Livre de la Genèse, nous parle à partir d’une grande distance historique, et ne peut être éclaircie qu’avec beaucoup de peine; ce n’est qu’au cours de l’histoire qu’il a été possible de développer une compréhension plus profonde de ce qui y est référé. Il est prédit qu’au cours de toute l’histoire, la lutte entre l’homme et le serpent se poursuivra, c’est-à-dire entre l’homme et les puissances du mal et de la mort. Cependant, il est également préannoncé que « la lignée » de la femme vaincra un jour et écrasera la tête du serpent, de la mort; il est préannoncé que la lignée de la femme – et en elle la femme et la mère elle-même – vaincra et qu’ainsi, à travers l’homme, Dieu vaincra. Si nous nous mettons à l’écoute de ce texte avec l’Eglise croyante et en prière, alors nous pouvons commencer à comprendre ce qu’est le péché originel, le péché héréditaire, et aussi ce que signifie être sauvergardé de ce péché héréditaire, ce qu’est la rédemption.

Quelle est la situation qui nous est présentée dans cette page? L’homme n’a pas confiance en Dieu. Tenté par les paroles du serpent, il nourrit le soupçon que Dieu, en fin de compte, ôte quelque chose à sa vie, que Dieu est un concurrent qui limite notre liberté et que nous ne serons pleinement des êtres humains que lorsque nous l’aurons mis de côté; en somme, que ce n’est que de cette façon que nous pouvons réaliser en plénitude notre liberté. L’homme vit avec le soupçon que l’amour de Dieu crée une dépendance et qu’il lui est nécessaire de se débarasser de cette dépendance pour être pleinement lui-même. L’homme ne veut pas recevoir de Dieu son existence et la plénitude de sa vie. Il veut puiser lui-même à l’arbre de la connaissance le pouvoir de façonner le monde, de se transformer en un dieu en s’élevant à Son niveau, et de vaincre avec ses propres forces la mort et les ténèbres. Il ne veut pas compter sur l’amour qui ne lui semble pas fiable; il compte uniquement sur la connaissance, dans la mesure où celle-ci confère le pouvoir. Plutôt que sur l’amour, il mise sur le pouvoir, avec lequel il veut prendre en main de manière autonome sa propre vie. Et en agissant ainsi, il se fie au mensonge plutôt qu’à la vérité et cela fait sombrer sa vie dans le vide, dans la mort. L’amour n’est pas une dépendance, mais un don qui nous fait vivre. La liberté d’un être humain est la liberté d’un être limité et elle est donc elle-même limitée. Nous ne pouvons la posséder que comme liberté partagée, dans la communion des libertés: ce n’est que si nous vivons d’une juste manière, l’un avec l’autre et l’un pour l’autre, que la liberté peut se développer. Nous vivons d’une juste manière, si nous vivons selon la vérité de notre être, c’est-à-dire selon la volonté de Dieu. Car la volonté de Dieu ne constitue pas pour l’homme une loi imposée de l’extérieur qui le force, mais la mesure intrinsèque de sa nature, une mesure qui est inscrite en lui et fait de lui l’image de Dieu, et donc une créature libre. Si nous vivons contre l’amour et contre la vérité – contre Dieu -, alors nous nous détruisons réciproquement et nous détruisons le monde. Alors nous ne trouvons pas la vie, mais nous faisons le jeu de la mort. Tout cela est raconté à travers des images immortelles dans l’histoire de la chute originelle et de l’homme chassé du Paradis terrestre.

Chers frères et soeurs! Si nous réfléchissons sincèrement sur nous et sur notre sur histoire, nous constatons qu’à travers ce récit est non seulement décrite l’histoire du début, mais l’histoire de tous les temps, et que nous portons tous en nous une goutte du venin de cette façon de penser illustrée par les images du Livre de la Genèse. Cette goutte de venin, nous l’appelons péché originel. Précisément en la fête de l’Immaculée Conception apparaît en nous le soupçon qu’une personne qui ne pèche pas du tout est au fond ennuyeuse; que quelque chose manque à sa vie: la dimension dramatique du fait d’être autonomes; qu’être véritablement hommes comprenne également la liberté de dire non, de descendre au fond des ténèbres du péché et de vouloir agir tout seuls; que ce n’est qu’alors que l’on peut exploiter totalement toute l’ampleur et la profondeur du fait d’être des hommes, d’être véritablement nous-mêmes; que nous devons mettre cette liberté à l’épreuve, également contre Dieu, pour devenir en réalité pleinement nous-mêmes. En un mot, nous pensons au fond que le mal est bon, que nous avons au moins un peu besoin de celui-ci pour faire l’expérience de la plénitude de l’être. Nous pensons que Méphistophélès – le tentateur – a raison lorsqu’il dit être la force « qui veut toujours le mal et qui accomplit toujours le bien » (J.W. v. Goethe, Faust I, 3). Nous pensons que traiter un peu avec le mal, se réserver un peu de liberté contre Dieu est au fond un bien, et peut-être même nécessaire.

Cependant, en regardant le monde autour de nous, nous pouvons voir qu’il n’en est pas ainsi, c’est-à-dire que le mal empoisonne toujours, il n’élève pas l’homme, mais l’abaisse et l’humilie, il ne le rend pas plus grand, plus pur et plus riche, mais il lui cause du mal et le fait devenir plus petit. C’est plutôt cela que nous devons apprendre le jour de l’Immaculée: l’homme qui s’abandonne totalement entre les mains de Dieu ne devient pas une marionnette de Dieu, une personne consentante ennuyeuse; il ne perd pas sa liberté. Seul l’homme qui se remet totalement à Dieu trouve la liberté véritable, l’ampleur vaste et créative de la liberté du bien. L’homme qui se tourne vers Dieu ne devient pas plus petit, mais plus grand, car grâce à Dieu et avec Lui, il devient grand, il devient divin, il devient vraiment lui-même. L’homme qui se remet entre les mains de Dieu ne s’éloigne pas des autres en se retirant dans sa rédemption en privé; au contraire, ce n’est qu’alors que son coeur s’éveille vraiment et qu’il devient une personne sensible et donc bienveillante et ouverte.

Plus l’homme est proche de Dieu et plus il est proche des hommes. Nous le voyons en Marie. Le fait qu’elle soit totalement auprès de Dieu est la raison pour laquelle elle est également si proche de tous les hommes. C’est pourquoi elle peut être la Mère de toute consolation et de toute aide, une Mère à laquelle devant chaque nécessité quiconque peut oser s’adresser dans sa propre faiblesse et dans son propre péché, car elle comprend tout et elle est pour tous la force ouverte de la bonté créatrice. C’est en Elle que Dieu imprime son image, l’image de Celui qui suit la brebis égarée jusque dans les montagnes et parmi les épines et les ronces des péchés de ce monde, se laissant blesser par la couronne d’épine de ces péchés, pour prendre la brebis sur ses épaules et la ramener à la maison. En tant que Mère compatissante, Marie est la figure anticipée et le portrait permanent de son Fils. Nous voyons ainsi que même l’image de la Vierge des Douleurs, de la Mère qui partage la souffrance et l’amour, est une véritable image de l’Immaculée. Son coeur, grâce au fait d’être et de ressentir avec Dieu, s’est agrandi. En Elle, la bonté de Dieu s’est beaucoup approchée et s’approche beaucoup de nous. Ainsi Marie se trouve devant nous comme signe de réconfort, d’encouragement, d’espérance. Elle s’adresse à nous en disant: « Aie le courage d’oser avec Dieu! Essaye! N’aie pas peur de Lui! Aie le courage de risquer avec la foi! Aie le courage de risquer avec la bonté! Aie le courage de risquer avec le coeur pur! Engage-toi avec Dieu, tu verras alors que c’est précisément grâce à cela que ta vie deviendra vaste et lumineuse, non pas ennuyeuse, mais pleine de surprises infinies, car la bonté infinie de Dieu ne se tarit jamais! »

En ce jour de fête, nous voulons rendre grâce au Seigneur pour le grand signe de sa bonté qu’il nous a donné en Marie, sa Mère et Mère de l’Eglise. Nous voulons le prier de placer Marie sur notre chemin comme une lumière qui nous aide à devenir nous aussi lumière et à porter cette lumière dans les nuits de l’histoire. Amen.

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